27/3/2023
Contrats

Garantie des vices cachés : quels délais pour agir ?

Documentation

Auteur :
Clotilde Normand

Cela est connu, l’action en garantie des vices cachés doit être intentée par l’acquéreur dans les deux ans suivant la découverte du vice : c’est ce que prévoit l’article 1648 du code civil.

Mais la découverte du vice, point de départ de l’action, peut intervenir plusieurs années après la vente, et bien au-delà de deux ans. Jusqu’à quand le vendeur peut-il être recherché en garantie des vices cachés ?

Actuellement, la réponse n’est pas certaine : il existe une divergence entre les positions de la première chambre civile et la chambre commerciale d’une part, et de la troisième chambre civile, d’autre part. Cette divergence devrait être levée bientôt, un arrêt de la chambre mixte devant être rendu le 16 juin 2023 sur la question.

Selon la première chambre civile et la chambre commerciale, l’action en garantie des vices cachés est enfermée dans un double délai : le délai de deux ans à compter de la découverte du vice de l’article 1648 du code civil, mais également, le délai de cinq ans à compter de la vente, prévu à l’article L.110-4 du code de commerce. Autrement dit, si le vice est découvert au-delà de cinq ans après la vente, l’acquéreur ne peut plus actionner son vendeur en garantie des vices cachés.

Pour la troisième chambre civile, l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans à compter de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser le délai butoir de 20 ans édicté par l’article 2232 du code civil (Civ. 3., 1er octobre 2020, n°19-16.986).

La divergence de positions entre les chambres de la Cour de cassation est donc importante : suivant les chambres, le délai maximal pour agir en garantie des vices cachés sera donc de 5 ou de 20 ans à compter de la vente.

Que se passe-t-il en cas de ventes successives du bien ?

Là encore, les solutions dégagées par les première et troisième chambres civiles sont divergentes.

Le sous-acquéreur dispose-t-il toujours d’un recours contre le vendeur intermédiaire dans un délai de cinq ans à compter de la vente, lorsque le vendeur intermédiaire ne peut plus, lui, agir contre le vendeur initial, leur propre vente étant intervenue plus de cinq ans auparavant ?

La réponse de la première chambre civile de la Cour de cassation est très claire :

« Vu les articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce : il ressort de ces textes que l'action de l'acquéreur résultant de vices rédhibitoires doit être intentée contre son vendeur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, tout en étant enfermée dans le délai de la prescription quinquennale qui court à compter de la date de la vente conclue entre les parties, peu important que l'action du vendeur contre le fabricant soit prescrite. » (Civ, 1re,8 avril 2021, n°20-13493 ; Civ. 1re , 9 décembre 2020,n°19-14.772).

La position de la chambre commerciale est la même (Com., 16 janvier 2019, n°17-21.477).

Pour la troisième chambre civile de la Cour de cassation, cette solution porte une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge du vendeur intermédiaire ou du constructeur, ce qu’elle a récemment réaffirmé, dans un arrêt du 8 février 2023 ; il faut, selon cette chambre, que le vendeur intermédiaire puisse exercer son propre recours contre le fabricant ou vendeur initial.

« Pour les ventes conclues antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, il est jugé que les vices affectant les matériaux ou les éléments d'équipement mis en oeuvre par un constructeur ne constituent pas une cause susceptible de l'exonérer de la responsabilité qu'il encourt à l'égard du maître de l'ouvrage, quel que soit le fondement de cette responsabilité et que, sauf à porter une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, le constructeur dont la responsabilité est ainsi retenue en raison des vices affectant les matériaux qu'il a mis en oeuvre pour la réalisation de l'ouvrage, doit pouvoir exercer une action récursoire contre son vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale.

Il s'ensuit que, l'entrepreneur ne pouvant pas agir contre le vendeur et le fabricant avant d'avoir été lui même assigné par le maître de l'ouvrage, le point de départ du délai qui lui est imparti par l'article 1648,alinéa 1er, du code civil est constitué par la date de sa propre assignation et que le délai de l'article L.110-4, I, du code de commerce, courant à compter de la vente, est suspendu jusqu'à ce que sa responsabilité ait été recherchée par le maître de l'ouvrage (Civ. 3, 16 février 2022, pourvoi n° 20-19.047, publié). »

En d’autres termes, l’entrepreneur « découvre » le vice, au sens de l’article 1648 du code civil, au jour où il est assigné.

L’on voit bien que la solution de la première chambre civile et de la chambre commerciale favorise la protection du vendeur initial, tandis que la solution de la troisième chambre civile prend davantage en compte les intérêts du vendeur intermédiaire.

Il sera intéressant de voir si la chambre mixte opte pour l’une ou l’autre des deux solutions, ou trouve un moyen de concilier les différents intérêts en présence.